L’étude cherche à connaître comment les variations climatiques actuelles et futures peuvent affecter la préservation de l’arganier dans deux bassins versant du Sud du Maroc : le bassin de l’oued Massa et le bassin de l’oued Tamanart (ici, les quelques arganiers présents se situent uniquement dans la partie septentrionale du bassin, le bioclimat étant de type saharien). Cette zone d’études est l’un des Systèmes Ingénieux du Patrimoine Agricole Mondial (SIPAM) reconnu par la FAO. Un SIPAM correspond à un agrosystème résilient dans lequel les communautés humaines ont réussi à coexister en parfaite harmonie avec leur territoire.
Les chercheurs ont adopté une approche multi modèle rigoureuse à la suite des progrès récents des techniques de modélisation et de l’accès accru aux données climatiques. Ainsi, ont été mis à contribution le projet PERSIANN-CDR (qui donne les précipitations), le modèle ERA5-Land (qui donne les températures), le modèle climatique régional EC-Earth3-veg (qui permet de comprendre les interactions complexes entre la végétation terrestre et le système climatique global), le modèle d’entropie maximale MaxEnt version 3.4.4 (qui permet de prédire la distribution géographique potentielle de l‘arganier) et une série d’analyses statistiques classiques (coefficient de corrélation, erreur quadratique moyenne etc.).
Tous ces projets ou modèles sont largement utilisés dans les recherches qui cherchent à prévoir les interactions complexes entre le climat et les écosystèmes terrestres.
L’analyse de la variabilité climatique a été faite à l’aide de données observées (1983 à 2022) et de données projetées jusqu’en 2080 pour en montrer les tendances. Comme on pouvait s’y attendre, les précipitations présentent une variation saisonnière et annuelle particulièrement élevée sur l’ensemble de la zone d’étude, les périodes de sécheresse, associée aux températures élevées prédominantes, constituant une contrainte majeure pour l’agriculture et donc pour le développement des arganiers. Les précipitations annuelles sont généralement inférieures à la moyenne depuis les années 2000, avec une diminution d’environ 2.5 mm par décennie. De plus, les résultats révèlent un réchauffement de 0,4 °C entre 1983 et 2022, qui pourrait atteindre + 4 °C entre 2041 et 2080.
La distribution de l’arganier a été projetée pour 2041-2060 et 2061-2080 selon quatre scénarios socioéconomiques SSP (Shared Socioeconomic Pathways). Ces scénarios permettent d'anticiper les conséquences du changement climatique en fonction de différentes voies de développement.
Dans le futur, les zones propices à l’arganier devraient diminuer dans toute la zone d’étude. Une réduction de 47 à 65 % est prévue à moyen terme (2041-2060) et une réduction de 49% à 81% à plus long terme (2061 et 2080), soulignant la nécessité de mesures d’adaptation proactives dans le but de conserver et d’augmenter la survie et la productivité de l’arganier.
Réf. : Hakam O., Ongoma V., Beniaich A. et al. 2024 -Assessment of the impact of climate change on Argan tree in the Mediterranean GIAHS site, Morocco: current and future distribution. Modeling Earth Systems and Environment. https://doi.org/10.1007/s40808-024-02077-1.
Posté par Jean-Paul Peltier.